Constance




Ce fût une lente disparition
Étendue comme une impératrice déchue sur la couche vague du temps
D'abord s'évapora le corps
Laissant derrière lui une traînée de poussière d'argent sur la pulpe des doigts
Parti parfois entier dans les igloos de la mémoire
Parti parfois par place, laissant le toucher d'un pli, au creux du cou, emplir l'absence

Puis vint le visage qui s'effaça à son tour
Derrière les écrans nus, plus de joue, plus de joue
Plus l'envie d'embrasser à pierre fendre
Plus de visage et deux yeux réduits au remue-ménage des insomnies, sans plus
Le visage s'effaça à son tour

Le suivit la voix, ce fût le plus amer
Quand la voix se tut, elle creusa, dans les nattes serrées des jours qui se suivent, des syncopes
Et rien ne put la ranimer, ni la nostalgie épaisse comme une banquise
Ni l'espoir futile mais encore un peu radieux
On triche comme on peut avec le dénuement

Ensuite vinrent les mots
Ceux qui s'écrivent, ceux qui relient les hémisphères
Et passent avec aplomb par dessus les eaux noires
Ils devinrent rares, ils devinrent rares
Leur présence s'estompa sans qu'on veuille savoir sous quel souffle

Le souffle manqua et l'air qu'on se donne
Pour croire encore aux réels, même torsadés
Au bout de cette abolition, on chercha encore quelques traces
Dans ce désert laminé d'insignifiance
Et, oh mystère ! On en trouva

Elles étaient plantées là dans leur présence inamovible
Une célébration de la constance
Mal venue, mal venue
S'affichant avec l'arrogance des belles causes perdues
Rétives à l'extinction malgré des sommations tenaces

Des traces inchangées en dépit de leur déraison
Vivaces comme des appels en grâce
Immuables par delà l'anéantissement
Un manque indéfectible
S'étonnant lui-même de la force superbe de son obstination 



Juillet 2014